La Pyramide, l'atout maître du Louvre

Battant tous les records de popularité, le Louvre tient le haut du podium depuis l’achèvement de la construction de sa Pyramide. Bien plus qu’une entrée magistrale, ce judicieux dispositif pourrait bien révéler des corrélations avec des symboles de tradition séculaire. Heureux hasards ou coup de génie, la Pyramide renferme tant de secrets qu’il suffit d’ouvrir les yeux pour les voir.

Pyramide du Louvre

Château fort, palais royal et musée, le Louvre a connu plusieurs vies

A chaque époque, son empreinte architecturale. Et le Louvre, avec ses 800 ans, ne déroge pas à cette règle. Ancien château érigé par Philippe Auguste pour protéger Paris en 1190, François Ier lui fait subir ses premières transformations en 1528 pour en faire sa résidence. Puis le bâtiment connaîtra une succession de modifications jusqu’à son rattachement avec le palais des Tuileries. En 1793, il change d’affectation, il devient le Muséum central des arts de la République pour y exposer une riche collection d’œuvres accumulée depuis plus de six siècles.

Lors de sa dernière métamorphose en 1989, l’avènement de la Pyramide marquera le début d’une croissance démesurée, le plus grand musée du monde devient ainsi le premier à atteindre 10 millions de visiteurs1 par an.

Le président et l’architecte

En 1981, une partie du palais est occupée par le ministère des Finances, la cour Napoléon est un vaste parking et le musée ne répond pas aux exigences modernes de la muséographie. François Mitterrand2, alors fraichement élu président, prend la décision de lui rendre sa vocation culturelle initiale. Pour écarter tout risque de concurrence et par un tour de passe-passe juridique, il désigne officiellement consultant l’architecte sino-américain Ieoh Ming Pei3. Impressionné par ses œuvres, il est convaincu qu’il saura être respectueux du passé et qu’il proposera des solutions à la fois modernes qui offriront au Louvre des solutions esthétiques tout en répondant aux nouvelles obligations d’accueil. Pour Pei, la Pyramide s’impose comme une évidence. Elle deviendra ainsi le nouveau centre de gravité et l’entrée principale du musée.

Les travaux du Grand Louvre

Le projet est pharaonique et permettra de récupérer 22 000m2 supplémentaires, aménagement des salles d’exposition, création de commerces, réhabilitation complète de l’aile Richelieu. Cette dernière, anciennement attribuée au ministère des Finances qui quittera le palais du Louvre pour Bercy, va subir une réhabilitation complète avec des travaux titanesques, façade, toiture, statues et détails ornementaux. Tout ce que le temps, l’érosion et la pollution ont usé est refait à l’identique, partiellement ou totalement. En recouvrant ses cours intérieures, des œuvres monumentales, conservées jusqu’à l’heure dans les réserves, bénéficieront d’une lumière naturelle et pourront enfin être exposées au public.

Au sous-sol, à mi chemin entre les remparts et le palais, une seconde pyramide est érigée. Inversée, elle permet de baigner de lumière la galerie souterraine et de marquer le milieu du rond-point du Carrousel qui se trouve en surface.

Lorsque des vestiges de remparts datant du XIVe siècle sont découverts, ils sont conservés et intégrés au projet. Pour donner à l’ensemble une parfaite cohérence et le sentiment que la Pyramide, le Louvre et le Carrousel ne font qu’un, tous les matériaux sont traités avec le même souci du détail.

Avec les Tuileries, 35 hectares vont ainsi être restaurés sur près d’une décennie. Les travaux sont colossaux et la splendeur du palais ne tardera pas à déployer sa magnificence dans la capitale et au delà.

Une nouvelle entrée pour booster la notoriété

En devenant l’accès principal du musée, la Pyramide a profondément modifié le sens de la circulation et, avec elle, l’entrée du Qi4 dans le musée.

Placée à la croisé des chemins des différentes ailes du bâtiment formant ainsi un U autour de la Pyramide, cette enceinte joue un rôle de consolidation et de protection et cette configuration est parfaite avec un espace dégagé à l’avant qui plus est, rythmé par le va et vient des visiteurs. En Feng Shui, elle favorise la prospérité et la renommée. Alors qu’on espérait 4,5 millions de visiteurs après les travaux du Grand Louvre, les chiffres atteignent rapidement des records. Certes les expositions temporaires comme celle de Léonard de Vinci et l’augmentation des offres pour les nocturnes participent à l’afflux des touristes mais ces événements à eux seuls ne peuvent expliquer une croissance de plus de 200% par rapport aux chiffres espérés après la réouverture en 1989.

Pyramide bénéficiant de la protection du Louvre

Photo par Google Earth 

La Pyramide, tout un symbole !

Le génie de Pei ne se limite pas uniquement à la modernisation des lieux, ni à la création d’une nouvelle entrée. Pei va plus loin. Il parvient non seulement à réunir dans la Pyramide des liens évidents avec Napoléon et l’Egypte mais on peut décrypter de troublantes concordances avec la géométrie sacrée5, la spiritualité, le Feng Shui, ou même avec la franc-maçonnerie.

Si le nombre d’or et le double carré sont utilisés, il y a aussi de nombreux symboles.

Décodage des symboles de la Pyramide

Pyramide et pyramide inversée

Photo par Google Earth

Géométrie sacrée

La Pyramide

Elle est un des symboles les plus puissants qui soient. Elle traduit la rencontre entre la Terre et le Ciel et pour transmettre ce message, pas moins de 6 pyramides ont été utilisées : la Pyramide principale, 3 pyramidions, circonscrits dans un même cercle, la pyramide inversée et celle qui se situe juste dessous. Fabriquée en pierre et de taille plus modeste par rapport aux autres, cette dernière passe presque inaperçue alors qu’avec la pyramide inversée, elles représentent toutes deux, le point de convergence entre deux mondes, la vie spirituelle et la vie terrestre, le macrocosme et le microcosme, l’inconscient et le conscient. Dans la représentation de ces deux pyramides, on peut y voir la formule maçonnique V.I.T.R.I.O.L  « Visita Interiora Terrae Rectificandoque Invenies Occultum Lapidem, selon la traduction officielle de Jean Servier « Descends dans les entrailles de la Terre, en distillant tu trouveras la pierre de l’œuvre » on y verra une métaphore pour exprimer la transformation ou évoquer l’exploration de son intérieur, la clé de la connaissance. D’autres peuvent y voir la représentation de la Table d’émeraude  « Ce qui est en bas, est comme ce qui est en haut, … ».  Chacun peut interpréter cette formule comme il l’entendra, toutefois si deux symboles aussi imposants que des pyramides ont été placés de la sorte, c’est probablement pour témoigner d’un message profond.

Le triangle

Présent dans les faces de la Pyramides et dans les sept bassins disposés autour, la forme triangulaire représente l’unité du monde, c’est la complémentarité de l’esprit et de la matière.

Symboliquement lié au divin, tout comme le chiffre 7, ces fontaines évoquent la rencontre de l’Eau et du Feu donnant naissance ainsi à un être nouveau.

Les escaliers en colimaçon

Lorsqu’on empreinte la Pyramide pour rejoindre le hall situé en souterrain, la descente se fait grâce à un escalier en spirale tournant autour d’un pilier, dissimulant un ascenseur sur piston. Ce colimaçon évoque « l’axe du monde » AXIS MUNDI, symbole du cheminement personnel mais également de la connaissance dont on peut avoir accès en venant au musée.

Et le Feng Shui dans tout ça ?

Les nombreuses références ne s’arrêtent pas à l’utilisation des formes et à la métaphysique. Les outils du Feng Shui sont également savamment maitrisés. A commencer par le Yin et le Yang, cette dualité qui existe entre deux notions. Ici se côtoient l’ancien et le contemporain, l’opacité de la pierre et la transparence du verre, l’ombre et la lumière.

Il y a aussi une forte propension à intégrer la symbolique des 5 éléments :

  • Le Feu avec la forme pyramidale, les bassins triangulaires
  • La Terre formée par la base carrée de la pyramide et par l’utilisation du verre
  • La structure en Métal
  • L’Eau des bassins
  • Le Bois avec la présence du parc des Tuileries à proximité

Tout est là et semble avoir été contrôlé avec beaucoup d’habileté. Trop pour qu’il ne s’agisse d’un simple hasard.

Un des emblèmes de la France

Marqué par toutes les époques, le palais du Louvre a trouvé en la Pyramide, l’expression architecturale du XXe siècle qui lui confèrera une nouvelle jeunesse.

Devenue une attraction touristique à part entière et un des symboles de la ville de Paris, elle fête cette année son 30e anniversaire. Alors qu’elle avait fait l’objet de tant de polémiques au début de sa construction, aujourd’hui il semblerait impossible de soustraire ce diamant de verre du reste du Louvre.

Grâce à sont talent et avec beaucoup de brio, Ieoh Ming Pei  a intrinsèquement utilisé tous les principes pour que son édifice véhicule les meilleures énergies et connaisse une croissance spectaculaire.

Si Voltaire était encore de ce monde, il dirait « Ce que nous appelons le hasard n’est et ne peut être que la cause ignorée d’un effet connu ». Comme toutes les pyramides, celle du Louvre renferme bien des mystères et pour la France, elle demeure un des plus beaux trésors que le monde entier nous envie.

(1) Visiteurs par an : 10 200 000 en 2018, 9 600 000 en 2019

(2) François Mitterrand (1916 – 1996)

(3) Ieoh Ming Pei (1917-2019)

(4) Qi : source d’énergie vitale

(5) Géométrie sacrée ou « l’art des proportions harmonieuses », celle-là même utilisée par les bâtisseurs dans l’antiquité et pour les édifices religieux

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